Tombées du ciel [Cherry]

En soupirant, Rosa regarda une fois de plus sa montre, dont les aiguilles, brillant à la faible lueur du crépuscule lui indiquait 19h45. Un quart d'heure qu'elle était là, et Cherry n'avait pas montré le bout de son adorable petit nez.
Rosa sortit une cigarette et un briquet de son sac à main, puis fourra la première dans sa bouche pour l'allumer avec le deuxième. Les deux meilleures amies s'étaient donné rendez-vous pour une petite virée entre filles, qui se transformait assez souvent en beuverie pour l'une comme pour l'autre, et dont le brave David faisait régulièrement les frais, puisque les deux jeunes femmes l'appelaient pour les ramener chez elles. En général, d'ailleurs, Rosa dormait chez les Evans, son appartement étant un peu trop loin de leur maison. Bref, Rosa attendait, dans son short blanc et son débardeur noir, perchée sur des Jimmy Choo qui la grandissait de quelques centimètres, s'exclamant de temps à autre :

"Bon sang, Cherry !"

Elle n'en voulait pas à la jeune femme, et dans son for intérieur, elle aurait même préféré que sa meilleure amie ne se montre pas. Elle avait trop longtemps considérer la jeune écrivaine comme sa petite soeur pour ne pas voir le manque de responsabilités dont elle-même faisait preuve en l'entraînant dans ses horribles virées. Mais Rosa avait perdu tout sans commun au fur et à mesure de sa dépendance envers ces mêmes virées. Elle renifla, se maudissant de ne pas se montrer plus raisonnable. Elle s'en voulait de pousser Cherry dans cette voie là, mais elle avait désespérément besoin de quelqu'un. Elle s'en voulait aussi de priver David de sa femme, alors que sur l'île elle avait oeuvré pour les réunir. Elle s'en voulait aussi de se pourrir les poumons en fumant. Mais Rosie avait perdu l'habitude de faire attention à sa santé après cinq ans d'heureuse invulnérabilité.

Dans un de ces éclairs de lucidité qu'il la prenait de temps en temps, Rosa commença à fouiller son sac en cuir noir, à la recherche de son portable, tout en éteignant sa cigarette en l'écrasant sous ses escarpins. Il paraissait paradoxal que son sac soit aussi plein, alors que sa vie était aussi vite. Mais, pour une fois les préjugés avaient raison, le sac d'une fille, n'importe laquelle, et toujours plein. Elle effleura enfin du bout des ongles la carapace en plastique de l'objet et le saisit avec un sourire triomphal. Son petit minois s'éclaira à la lumière que projetait l'écran tandis qu'elle cherchait dans son répertoire le numéro de Cherry, afin de la persuader de finalement rester chez elle. Mais les bruits d'une course indubitablement féminine l'arrêtèrent, alors qu'elle appuyait sur la touche "appeler". Elle raccrocha précipitamment, et s'enquit :

"C'est toi, C. ?"

[Pas terrible, hein ? Je me rattraperai avec le prochain ]