Lost in Harbor City [David Evans]

Lost in Hollywood Harbor City

Claire s'était, une fois de plus, laissée aller dans les rues de Los Angeles, perdue dans ses pensées, à se reposer les mêmes questions, à retourner les problèmes dans tous les sens à la recherche de réponses ... cohérentes. Parfois elle se contentait de la facilité, de se dire que Mr. O lui avait lavé le cerveau mais très vite, son subconscient intervenait pour lui rappeler que cela venait de bien plus loin, que le dessous du problème n'avait été que soulevé pour de bon sur l'île, mais l'origine du problème provenait de bien avant, de son passé, de son enfance, et cela, Claire ne le supportait pas ; l'idée qu'on lui ai menti, ou qu'elle ai inconsciemment cherché à se cacher des choses à elle-même la rendait malade ... Comment est-ce possible, à 17 ans, de fermer volontairement les yeux sur un problème visiblement important, et porteur de conséquences beaucoup trop lourdes ... des conséquences qu'elle subissait à présent.

Elle était tout le temps comme cela à présent, à essayer de comprendre, de trouver ce qui se cachait en elle. Et pour cela, elle s'aidait des témoignages de personnes souffrantes psychologiquement, en les écoutant, en cherchant des similitudes avec des détails de son histoire, à elle ... une histoire de plusieurs chapitres, pas le petit livre d'enfant, mais plutôt le gros polar d'adulte. Elle marchait, regardant sans voir, s'arrêtant un instant, s'adossant à un lampadaire, contemplant le ciel, secouant la tête, visiblement mécontente, puis reprenait sa marche sans fin.

Lorsque cette fois-ci, elle ouvrit les yeux sur le lieu où elle se trouvait, elle fut surprise. Généralement, ses pas la guidaient sur la promenade le long de la plage, ou aux alentours des studios d'Hollywood. Mais cette fois-là, c'était dans les quartiers mal famés de Harbor City ... et si elle atterrissait dans ce coin là, c'était au lac Machado mais pas dans cet endroit déconseillé par beaucoup de personnes. Elle serra sa besace en cuir contre elle et avança rapidement mais constata vite qu'elle ne connaissait absolument pas le chemin du retour, d'ailleurs elle n'avait aucune idée de la rue précise où elle se trouvait ... autrement dit, Claire était perdue, quelque part dans un lieu où régnaient agressions, vols, viols, trafics, etc. Elle s'adossa à un mur, s'alluma une cigarette -ce qui était devenu une vilaine habitude depuis son retour de l'île- ferma les yeux et pensa à Mikael, qu'elle n'avait pas vu depuis quelques jours, et qu'elle avait très envie de voir, malgré les froids et les disputes qui ponctuaient leur relation ... Elle pensa à Ritz, qu'elle avait du mal à voir, à supporter, depuis le retour de l'île, puis à Serena, puis repensa à l'île tout court, et elle replongea dans ses questions sans réponse ... lorsque :

"Hey Mamz'elle, z'êtes perdue ?"

Claire ouvrit les yeux, recracha de la fumée et aperçut deux jeunes garçons aux alentours de 17 ans, habillé de guenilles. Elle paniqua ... et ne chercha pas à se faire de faux espoirs ... elle était seule, perdue, et elle avait peu de chances de rentrer avec toutes ses affaires ce soir -si elle rentrait, bien entendu-.

Plus qu’une heure, et David aura enfin terminé son service. La journée avait plutôt était chargé, en opérations surtout. D’accord il aimait ça, mais là il allait finir par en faire une overdose. Il était devenu connu, tellement connu que de nombreuses personnes ne voulaient être examinées que par ses mains. Il était bien évidement flatté, mais exténué de tout ce boulot. Lorsque vint enfin l’heure, il échangea sa blouse blanche contre son imper noir qui lui descendait jusqu’aux cuisses. Les derniers papiers rangés, il pouvait enfin respirer l’air pollué de Los Angeles. David s’était tout d’abord dirigé vers le métro, le moyen le plus rapide de rentrer chez lui. Il avait beau être fatigué, il n’avait finalement aucune envie de s’entasser dans un train bondé, remplit de têtes qui tirent la gueule et d’odeurs nauséabondes..En plus de ça, il n’avait pas envie d’être abordé par des gens qui l’aurait reconnu comme le rescapé de l’île. Il détestait ça, ce n’était pas comme si il avait fait quelque chose d’extraordinaire. Ce n’était ni un acteur ni un chanteur. Il avait seulement fait partit du jeu de Mr O.

Le jeune homme se permit de prendre un taxi. Il pouvait se le permettre, mais n’avait pas cette habitude. Il donna sa destination au chauffeur, pas sa destination finale, il avait dans l’intention de terminer le trajet à pied. Il appréciait se balader le soir, lorsque la ville était éclairée de milliers de lumière. Accoudé à la fenêtre, David laissait le paysage citadin défiler sous ses yeux, se plongeant dans ses pensées : Cherry serait-elle à la maison ? Ou faudra-t-il encore qu’il l’attende en se faisant un sang d’encre ? S’était son appréhension de chaque soir lorsqu’il rentrait du travail. Il ne pouvait pas passer 24h/24 à la surveiller et rester avec elle. Bien que ce ne soit pas l’envie qui lui manque. L’arrêt du véhicule le tira de ses pensées, il paya son taxi avant d’entamer sa marche. Les mains dans les poches, il n’avait plus qu’à traverser quelques quartiers et il arriverait enfin dans son chez lui.

David arrivait à l’endroit qu’il n’appréciait pas vraiment le plus S’était des quartiers pas très bien fréquentés, il arrivait dans une sorte de ruelle Au moins l’avantage de passer par ici, s’était que peu de monde savait qui il était. La rue n’était pas très large, et il apercevait trois personnes qui l’a bouchait devant lui. Deu hommes et une femme, sûrement un sorte de trafique. David arrivait à leur hauteur, et reconnu immédiatement la femme qu’il avait prise pour une personne pas nette.

« Claire ? Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Il n’hallucinait pas, s’était bien Claire MacDowell ! Son amie très proche de l’île. Il vit aussitôt à son regard qu’elle ne connaissait pas les deux gars en face d’eux.

« T’es qui toi ? » Lui lança l’un des deux, certainement le moins soûl d’après ce qu’il pouvait en juger.
« David Evans ! ça te dit quelque chose ? » Renchérit-il immédiatement. Ils n’avaient pas l’air si dangereux que ça, et il n'hésita pas à la jouer provoc. C'est qu'il en avait matté d'autre dans sa jeunesse !
« Evans… c’est pas un survivant de l’île ou chais pas quoi !? » David fut plutôt étonné que son nom lui soit aussi parlant.
« Bieeen ! T’es pas si ignorant que t’en as l’air, maintenant que tu sais qui je suis, tu l’a laisse »

Après ces mots, David attrapa Claire par les épaules et l’emmena avec lui. Il entendit dans leurs dos l’un des types crier quelque chose du genre « C’est bon on allait rien lui faire ! » Mais il les ignora. Finalement, c’est sa célébrité qui le sauva pour une fois. Enfin, ce n’était pas le moment de polémiquer sur sa popularité. Il retourna son attention sur Claire, même dans ces circonstances, il était très heureux de le voir. Chose qui avait été rare depuis leur retour.

« Ca va ? Tu ferais mieux de pas trop traîner par ici, c’est dangeureux pour une belle fille comme toi. »

S’était là un vieux réflexe que de la complimenter, ils en avaient l’habitude sur l’île. Il remarqua qu’elle tenait une cigarette. Chose rare, voir même improbable car il ne l’avait encore jamais vue fumer. D’ailleurs, sentir cette odeur lui donna lui aussi l’envie d’en fumer une.

Face aux dangers, Claire avait toujours eu une attitude positive ... voir les côtés positifs des choses négatives, comme elle aimait le répéter ... avant. A présent, elle avait appris à avoir peur, elle avait perdu cette habitude de chercher le bon dans le mauvais ; à présent elle faisait l'inverse.
Lorsqu'elle vit le danger s'amener, elle sentit la peur lui tordre le ventre, mais elle se surprit à un élan de colère ... de la colère envers Mr.O. Claire le détestait, pourtant elle n'était pas comme cela avant; non, elle préférait ignorer les gens qui n'avaient pas grand chose de bienveillant en eux. Mais Mr.O lui avait volé sa complicité avec sa petite sœur, lui avait volé cinq ans de sa vie, mais aussi son âme, sa personne, et avait fait ressurgir des souffrances enfouies, des secrets non décelés mais oubliés, des doutes par milliers et une dépendance malsaine, à cette île maudite.

Ils étaient deux, elle était seule. Ils étaient saouls, elle était fragile. Quoi de plus ? Cela suffit à satisfaire les hommes et à blesser la femme. Claire n'était plus une battante, elle était l'ombre d'elle-même, un fantôme de sa propre vie, à la recherche de quelque chose qui la ferait se sentir vivante ... la vérité, sur elle, sur eux, sur tout. Elle recula doucement, fermant les yeux, se sachant piéger. Il ne faisait pas froid et pourtant elle grelottait, de peur. Celle-ci se lisait dans ses yeux écarquillés.

Et c'est là qu'elle l'entendit. Elle n'avait pas perçu ses pas, mais sa voix retentit à ses oreilles bourdonnantes :
« Claire ? Qu’est-ce que tu fais ici ? »

C'était David. David Evans. Elle le regarda sans le voir, abasourdie. Que faisait-il là, lui ? Elle écouta le bref échange du garçon avec les deux imbéciles, puis elle se laissa faire, sentant que David l'emmenait loin de cet endroit malfamé.

« Ca va ? Tu ferais mieux de pas trop traîner par ici, c’est dangereux pour une belle fille comme toi. »

Elle esquissa un semblant de sourire, cela avait toujours été comme ça entre eux, le jeu des compliments. Lui le héros, elle qui se confiait sans tabous.
Mais très vite, le sourire disparut. Elle se rappela la cigarette, tira dessus, et leva les yeux vers David. Toujours aussi bleus ses yeux, pensa-t-elle. Il lui avait manqué, depuis leur retour. Elle savait qu'il réussissait, mais elle savait aussi que Cherry allait mal, ce qu'il lui avait confié une des quelques fois où ils s'étaient vus. Elle n'arrivait pas à parler. Elle écrasa sa cigarette, en prit une autre, baissa la tête, la secoua, alluma le tabac nerveusement, comme si elle agissait en regrettant déjà ce qu'elle faisait. Elle ne devrait pas fumer, jamais personne n'aurait cru que Claire MacDowell fumerait un jour, et pourtant ...

" Je marchais ... enfin je réfléchissais et, et mes pas m'ont conduit là puis ... bref euh oui ça va, ça va ! Et toi, co... comment ça va, le boulot et tout ça ?"

Claire hésitait, Claire bégayait, Claire ne comprenait pas. Et Claire ne savait pas mentir.

"A quoi bon te mentir ? De toute manière tu devines très bien que ça ne va pas, n'est-ce pas ?" reprit-elle en secouant la tête et en frissonnant.

"Je me hais. Cherry va déjà mal et voilà que je l'accable avec mes problèmes. Il ne mérite pas ça..." pensa-t-elle.

Elle fut apparemment soulagée qu'il la sorte de là, et même si elle aurait refusé qu'il l'emmène, David croit bien qu'il l'aurait embarqué de force de toute manière. Elle lui était beaucoup trop précieuse pour qu'il la laisse s'enfoncer dans la débauche, Ce qui n'avait pas l'air d'être le cas finalement. Il retira son bras de ses épaules seulement une fois sortit de la ruelle sombre, sans lampadaires. Au contraire de là où ils arrivaient, sur un trottoir éclairé, avec quelques passants. A ce moment, il vit Claire écraser sa cigarette pour en reprendre une autre. Chose plutôt absurde. Il remarqua rien qu'à ce signe qu'elle n'allait pas très fort. Il avait l'impression qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait, comme si elle était perdue. Encore un de ses proches revenant de l'île qui était en mauvais état.

Sa réponse hésitante et bégayante ne fit que confirmer ses inquiétudes. Elle s'arrêta un bref instant avant de reprendre, elle savait qu'il savait. S'était bien trop évident pour deux amis qui se connaissaient aussi bien. Il était simplement impossible que l'un cache quelque chose à l'autre après tout ce temps passé ensemble. Ils avaient appris à se connaître, à se comprendre.. S'était probablement l'une de ses meilleures rencontres sur l'île. Et comme toutes les personnes qui lui étaient proche et qui n'allait pas bien, il voulait pouvoir aider Claire. Il est comme ça David, il veut toujours pouvoir venir en aide à quelqu'un, ou bien même secourir des personnes qu'il ne connait pas. D'où son choix de métier. Si le jeune homme était devenu chirurgien s'était ni plus ni moins pour cette raison : il voulait soigner tout le monde, et surtout les personnes qui lui étaient chères.

Il ne lui répondit pas immédiatement. Au lieu de ça, il se tourna vers, tendit un bras et prit sa cigarette des mains. Le geste sain et responsable, aurait été qu'il l'a lui confisque en l'écrasant sous sa chaussure (surtout en tant que médecin), ce qu'il ne fit pas. Non, au contraire, il garda la cigarette entres ses doigts, et l'a porta à ses lèvres, afin d'en tirée une boufée lui aussi. Il sentit le goût de la nicotine prendre possession de tout son être. Cette sensation lui déclencha un frisson. Il n'y avait pas à dire, cela lui faisait réellement du bien.Il laissa sortir un filet de fumée avant de lui répondre.

« T'as jamais été très douée pour me raconter des bobards »

David pensait qu'il pourrait y résister, qu'il pourrait lui rendre sa clope, mais non. Lui qui avait eu l'intention d'en tirer seulement une bouffée puis de la lui rendre, il succomba à la tentation et en prit tira une deuxième fois. Claire allait devoir en prendre une de nouveau si elle non plus n'allait pas pouvoir se retenir.

« Vas-y, raconte moi tout, j'ai besoin d'entendre autre chose aujourd'hui que 'Mr Evans un nouveau patient souhaite que vous l'opériez' »

Son imitation de sa secrétaire était minable, mais c'était néanmoins la vérité. Il avait entendu cette phrase au moins 20 fois aujourd'hui et il n'en pouvait plus, il fallait qu'il se change les idées. Et avoir une discution avec Claire était la meilleure chose pour ça. Même si cela voulait dire des soucis en plus dans sa tête, et une personne en plus qu'il voudrait aider.

« T'as jamais été très douée pour me raconter des bobards »

David avait raison. Elle ne savait pas lui mentir, il la connaissait trop bien ; comme quoi elle n'avait changé sur tous les plans. Mais Claire ne voulait pas lui faire du mal : Cherry allait mal, Rosa aussi. Claire également, mais elle comptait se taire. Il était pour elle hors de question de compliquer la vie de David ... il lui avait déjà sauver la vie ce soir-là. Mais elle savait aussi qu'il comprendrait, d'ailleurs il avait déjà compris, comme toujours. Elle hésitait, avant de se dire que repousser ne servirait à rien, à part faire empirer les choses.

Elle laissa David lui prendre sa cigarette, croyant qu'en tant que médecin, il aurait le réflexe de la moraliser, mais quelle surprise eut-elle en le voyant porter la clope à son bec. Elle resta coite et lui laissa. Elle en sortit une autre, l'alluma et réalisa que son paquet était vide.

« Vas-y, raconte moi tout, j'ai besoin d'entendre autre chose aujourd'hui que 'Mr Evans un nouveau patient souhaite que vous l'opériez' »

Elle ne put s'empêcher de sourire. Elle était heureuse de savoir qu'il réussissait dans sa profession et qu'il se remettait très bien de l'expérience de l'île.

"David ... tu sais je suis contente de savoir que tu réussis si bien ! Tu le mérites ! Avançons, il faut que je me rachète des cigarettes, c'est indispensable, j'en ai besoin."

Elle réalisa l'ampleur de ses paroles en les disant, comprenant qu'elle devenait accro à cette merde qui lui massacrait les poumons. "Au point où j'en suis" furent ses pensées. Elle secoua la tête, tira une longue bouffée sur son ultime cigarette et commença :

"Je n'ai pas envie de t'apporter des soucis supplémentaires, camarade. Comme beaucoup, je me remets mal de l'île, et cela entraîne des complications. Avec Serena, avec Ritz, et surtout avec Mikael ..."

Ses dernières paroles ne furent qu'un murmure, car elle sentit les larmes monter, et la boule se former dans sa gorge. David allait poser des questions, elle le savait. Il voudrait comprendre. Elle croisa son regard, qu'elle qualifia d'inquiet, et de curieux. Elle détourna ses yeux remplis de larmes des océans bleus du chirurgien, jeta un regard sur la ruelle glauque dont ils sortaient et lui rappela gentiment que ...

"Hé, t'es médecin, non ? Qu'est-ce que tu fais avec cette cigarette ?"