Fairytale; Ft. Claire MacDowell

Son visage ne cessait de se reflétait dans les milles glaces posées dans la salle des miroirs. Mais cela n'avait rien d'effrayant, ou d'inquiétant. Mikael avait l'impression de regarder une simple image, et il ne pouvait omettre le fait que sur l'île règnait une ambiance étrange qui n'avait rien à voir avec le reste du monde. Les mains dans les poches, les cheveux ébourrifés, il continuait tout de même à s'observer, encore et encore, comme si cela allait changer son problème. Il était venu ici dans une éventuelle quête à la solution, mais maintenant qu'il comprenait que le créateur de ce musée n'avait qu'une envie : se remplir les poches, il prit conscience du fait qu'etre ici ou dans la rue ne changerait rien à la situation.

Il eut néanmoins la chance de s'observer longuement, droit dans les yeux, chose qu'il n'avait jamais réellement pris le temps de faire. Mikael eut le sentiment d'avoir énormément vieilli. On lui donnait souvent plus que son âge, mais là, il semblait face à une vérité impalpable depuis toujours. Il était effrayant. Ses cheveux retombaient sur ses yeux, l'empêchant de voir clairement le monde. Son visage semblait tordu par le mal être et il avait l'impression d'être un peu trop courbé vers l'avant. De grosses cernes bleues étaient notables sous ses cils. Pas étonnant que Claire se fiche de lui. *Non elle ne s'en fiche pas.*

Le jeune homme tenta tant bien que mal de s'en convaincre, mais il n'y parvint pas. Il pensa à sa petite amie tout en ayant l'impression qu'elle n'en avait rien à faire de qui il était. Sans doute le trompait-elle ? Pas étonnnant, il avait le sentiment profond d'être une réplique de Quasimodo ces derniers temps. Mais cela lui déchirait tout de même le coeur. Il avait perdu sa famille, et la blonde était tout ce qui lui restait désormais...

La crise ne s'était présentée sous aucun symptômes. D'habitude, Claire se sentait happée par un sentiment de nostalgie, elle trouvait un endroit où s'asseoir, ou du moins pour s'appuyer. Elle préférait subir cette crise d'angoisse, elle laissait les images défiler dans sa tête, les tremblements faisaient leur apparition. Cela durait environ cinq à dix minutes, quand elle était seule et qu'elle réfléchissait à l'île, comme toujours. Après ce moment fâcheux, Claire partait se balader pour se vider l'esprit, s'autorisait une glace sur la promenade le long de la plage, et regardait les enfants faire du roller avec leurs parents. "Des familles unies, des familles nombreuses, des familles heureuses" se disait-elle. Elle pensait à Léon Tolstoï, qui disait que toutes les familles heureuses se ressemblent, mais que chaque famille malheureuse l'est à sa manière. Elle se rassurait avec cette phrase, avant de se rappeler que sa famille n'avait rien de banal, et se demandait si le cas particulier d'elle et ses sœurs entrait dans les conditions des paroles de Tolstoï.

Une fois de plus, elle sentit la crise d'angoisse monter, et elle choisit d'aller voir cet endroit dont elle avait tant entendu parler ... le "musée de l'île". Cela sonnait touristique, et était à ses yeux synonyme d'exhibitionnisme pour certains et de voyeurisme pour d'autres. Mais sa curiosité la piquait. Elle choisit d'y aller à pied, elle aimait les bruits de Bel Air, en fait Claire aimait beaucoup LA.

Elle arriva, et se laissa guider par les couloirs. Elle entra dans une pièce remplie de miroirs, une copie conforme de celle de l'île, hormis qu'il y avait une odeur de javel dans l'air ... une caractéristique que ne détenait clairement pas la vraie salle. Après réflexion, cette salle était une copie vague et glauque de la vraie pièce aux miroirs. Claire aperçut une personne au milieu de la sombre salle, une personne qu'elle reconnut immédiatement. Cette silhouette frêle, ces cheveux noirs négligemment coiffés, cette façon si particulière de se tenir, elle les connaissait par cœur. Elle se sentit rassuré de voir Mikael ici. A vrai dire, Mikael lui manquait terriblement. Lorsqu'ils étaient revenus de l'île, ils s'étaient mis ensemble très naturellement, et avaient été profondément heureux durant quelques semaines. Mais les démons du passé et ceux de l'île s'étaient réveillés, et travaillaient avec acharnement l'esprit et la santé mentale de Claire. Elle était énormément attachée à lui, et savait qu'elle tomberait dans une profonde dépression et un point de non retour si Mikael sortait de sa vie.

Mais leur couple allait mal, tout simplement parce qu'elle allait mal. Parce que personne ne voyait, personne ne comprenait ce qu'elle avait, pas même Mikael. Mais elle ne montrait rien non plus. Elle se taisait et laissait Mikael se questionner, s'inquiéter, souffrir. Et même si cela la rendait malade, elle était prise par ses tourments et avait peur, peur de tout. De la solitude, de l'abandon, de la mort, des autres.

Alors qu'il continuait à se perdre dans des pensées aussi désespérantes les unes que les autres, sa solitude s'estompa. Un reflet vague apparut derrière lui. Il n'eut, en un premier temps, pas la force de cligner des yeux pour voir nettement la silhouette, mais ses contours apparurent naturellement lorsqu'il comprit qui était là.

C'était elle. Avec cette expression non convaincue qui ne se retirait jamais de son visage. Cachée dans un angle, il avait été difficile pour Mikael de la voir. Mais tout lui semblait si monotone que ce rayon de soleil n'aurait pas pu passer inaperçu, aussi faible qu'il soit.

"Salut."

Il lui fut incapable de dire autrechose. Au départ de leur véritable relation, tout était différent. Son visage aurait été illuminé par un sourire certes laid, mais sincère. Désormais, Mikael doutait trop. Il n'avait pas l'impression de voir tout simplement l'amour de sa vie. Il voyait désormais la femme qu'il aimait, mais qui le trompait. Et même s'il n'avait aucune preuve, cette désagréable sensation lui donnait la nausée.

Il aurait aimé se retourner, la fixer, la prendre dans ses bras. Mais son orgueil l'en empêchait. Il restait alors neutre, observant son reflet en espérant éviter une nouvelle scène de ménage. Mais c'était impossible, car c'était lui la cause de tout ça. Imaginer quelqu'un d'autre que lui-même poser ne serait qu'un doigt sur Claire le mettait dans une rage folle. Il était amoureux. Fou amoureux. Trop amoureux ?

(Je t'aime DEAR cha.)

Claire ne bougeait pas. Au fond d'elle, elle savait qu'elle avait fait une erreur en venant au musée. Alors qu'elle tentait de fuir les souvenirs, et les crises qui accompagnaient ces moments de nostalgie, elle avait choisi l'unique lieu où tout contenait un peu de l'île, où chaque objet, chaque salle, était l'île. Elle jugeait cela très paradoxal, et conclut que c'était elle qui était tout sauf logique et consciente de cela depuis leur retour.

Elle commençait à regretter sincèrement, en reconnaissant le ton hésitant mais froid de Mikael. Un salut entre deux personnes qui se détestent mais ont tout de même la courtoisie de se dire bonjour. Il y a quelques temps, elle aurait trouvé cela inapproprié et aurait compris que Mikael avait quelque chose à lui dire, mais cela faisait tellement longtemps qu'il s'adressait ainsi à elle qu'elle ne réagissait plus vraiment. Quand Mikael avait décidé de quitter l'appartement de Claire, au vu des nombreuses altercations qu'impliquaient leur couple, elle avait compris qu'une ligne avait été franchie, que la confiance s'effilochait. Ce jour-ci, Claire avait perdu une partie d'elle-même, une partie de la minuscule parcelle dont elle savait l'identité ; les sentiments qu'elle éprouvait pour le garçon.

"Salut, comme tu dis."

Que dire d'autre ? Provoquer une autre scène ? Ils devaient avoir battu leur record ces dernières semaine. Elle voulait lui hurler dessus. Lui hurler dessus pour qu'il se décongèle en sa présence, qu'il perde ce regard de reproche, qu'il redevienne le garçon qui montrait sa personnalité douce et rieuse avec elle. Mais une part d'elle ne pouvait pas lui crier dessus ainsi, car cette part était aussi cause de leur éloignement destructeur. Certes Mikael était l'exemple même de la personne lunatique à plein temps, qui se laisse emporter par ses sentiments lorsqu'il ne se cache pas sous son masque. Elle aurait aimé lui expliquer ce qui n'allait pas, ce qui n'allait plus, non pas entre eux, mais chez elle. Claire aurait aimé tout lui dire... le fait qu'elle vivait dans le passé, qu'elle recherchait quelque chose dont elle ne savait rien, le fait qu'elle étudiait les autres pour découvrir l'identité de cette chose, ou simplement commencer par lui dire qu'elle ne savait pas qui elle était, qu'elle s'était perdue en chemin... que la Claire de toujours avait disparue,que cette nouvelle identité était tout sauf elle (ou peut-être totalement elle, et qu'elle ne l'avait jamais su). Oh ce qu'elle aurait aimé, mais elle n'y arrivait pas, parce qu'elle ne trouvait ni les mots exacts, ni la force, ni l'honnêteté de tout lui dire, et qu'elle voulait inconsciemment tout apprendre par elle-même, sûrement la pire chose à faire d'ailleurs.

"Comment tu vas ?"

Sans le vouloir, le ton fut ironique. Elle avait parlé ainsi, parce qu'elle se trouvait bien pathétique.